01/08/2023

Aquarando, la marche qui se la coule douce en rivière

Les ruisseaux de notre enfance, il y en a encore; marcher dedans fait remonter des souvenirs de gosse et rouvre nos sens à la perception d’un monde frémissant de vie, d’odeurs, de couleurs et de sons. Luc Teper, un talentueux passionné de photo, en a cueilli des brassées au long de la Houille belgo-française, dans la Vallée des Castors.

Les Belges appellent l’exercice le “ruisseling”, les Français “aquarando”, mais c’est la même lente progression, la même découverte prudente d’un fond de rivière caché à la vue. Aujourd’hui, on démarre en Belgique, pas loin de Beauraing. Notre point de départ se situe entre le village de Gedinne et le lieu-dit du Moulin de la Galette. Jusqu’au village de Landrichamps, en France, la Houille traverse des bois assez épais, puis perd son caractère sauvage sur sa partie aval. Elle se jette enfin dans la Meuse à Givet, en France.

Luc Teper: “J’ai découvert ce plaisir de nature grâce à ma sœur Patricia et à son amie Nathalie Danaux. C’est donc à trois que nous avons “ruisselé”, au beau milieu de la ripisylve de la Houille,  qui prend sa source dans le Bois de Rienne (à la Croix-Scaille) et rejoint la Meuse à Givet (en France), au fil d’un parcours d’environ 25 km, dont 8,6 km seulement en Belgique. La vallée creusée par la rivière entre Gedinne et Vencimont porte le joli surnom de Vallée des Castors et au vu des nombreux ouvrages savamment construits par celui que l’on appelle aussi “’ingénieur des rivières”, force est de constater que le castor n’usurpe pas ce surnom. Au cours de notre balade, je me suis retrouvé sans m’en douter près d’une hutte de castor et ce castor m’a tenu compagnie, sans crainte aucune, durant une bonne heure. Après quoi, il a plongé dans le fil du courant et il a disparu. Quel bonheur! »

Luc Teper en aquarando dans la Houille
castor nageant dans la Houille

Du milieu du courant ou dans son environnement proche, on peut aussi observer le splendide martin-pêcheur au plumage coruscant, la très discrète et rare cigogne noire, l’élégante aigrette d’un blanc lactescent, la grue cendrée, le héron cendré qui ne manquera jamais de vous huer de son cri rauque si vous le surprenez au détour d’un méandre, ainsi que toutes sortes de rapaces tels le chat-huant, le grand-duc, le moyen-duc, l’effraie, le faucon, la buse ou l’autour des palombes. Mais il y a aussi, à proximité immédiate, les  élégantes demoiselles d’un bleu électrique qui, dans un virevoltant et hypnotique ballet aérien, animent la végétation et le ruban aquatique dans lequel baignent vos pieds, frôlés par des poissons comme la truite Fario, le chabot, le vairon, l’ombre, le chevesne ou bien encore le terrifiant brochet.

La Houille a meilleure mine qu'il y a un demi-siècle

Luc Teper avait découvert et exploré la Houille il y déjà plus de cinquante ans : “A l’époque, il faut bien dire que la qualité douteuse de l’eau ne représentait guère un milieu favorable à un écosystème équilibré. En effet, le castor et la cigogne noire, pour ne citer qu’eux, sont tout particulièrement sensibles à la propreté du milieu aquatique dont ils dépendent pour se nourrir et se reproduire. Leur retour débouche sur un constat plutôt réjouissant et nous permet, plus largement, d’espérer une présence pérenne de la superbe faune sauvage abritée par la Houille…”

Si vous voulez vous lancer, des conseils pratiques

En bonne forme physique pour ses 70 ans, Luc Teper concède que le “ruisseling” est relativement fatigant, sans être toutefois éreintant. “Je pense”, dit-il, “qu’à deux reprises, nous avons parcouru, à la grosse louche, entre 2 et 3 kilomètres. En ce qui me concerne, à 70 ans, je ne ferais guère plus. Même si je n’ai pas beaucoup d’expérience dans la discipline, je dirais que le courant est fort déterminant dans le choix des distances à parcourir. Plus il a de force et plus le parcours sera physiquement exigeant. Il faut savoir que le fond du lit plus ou moins accidenté fait en sorte que l’on se déplace beaucoup moins rapidement que sur un chemin.”

Quel équipement?

Nécessaire, voire indispensable : une paire solide de sandales à bonne semelles et fixation sérieuse car les pierres peuvent être coupantes et glissantes. Ou alors, tout à l’inverse, entre deux barrages de castors par exemple, vous rencontrez des zones à fond vaseux dans lequel vous pourriez perdre vos sandales si elles ne sont pas suffisamment fixées. C’est ce qui a failli m’arriver car j’ai « ruisselé » avec des crocs, ce qui n’est pas totalement adapté. Bien pour l’épaisseur de la semelle mais faible au niveau de la fixation. Je pense qu’il est utile de se renseigner sur les chaussures plus adéquates pour ce type de randonnée. Ma sœur pratique toujours avec un type de sandales dont elle se dit très satisfaite, du genre nubuck simili cuir qui de plus sèche rapidement, précise-t-elle. Le conseil d’un vendeur en magasin d’équipement sportif serait, je pense, bienvenu.

Des sticks de type « randonnée scandinave » s’avèrent plus qu’utiles pour assurer son équilibre dans certains passages plus compliqués. Personnellement, j’ai dû évoluer avec un seul bâton car je tenais mon appareil photo dans une main, ce qui ne facilite évidemment pas les choses…

Photos & texte © Luc Teper 2023

Marcheuses dans la Houille